La Bobine transformé en club de sport pour personnes allergiques au lycra : et si c’était ça la bonne idée de la Rentrée ? Ce soir du 19 octobre avec As A New Revolt et Viagra Boys, le programme de remise en forme se découpe en deux ambiances complémentaires entre électro hardcore et punk déjanté. La soirée était plutôt sportive, tant sur scène que dans le public…
Vous me ferez 45 min en mode cross fight !
Première séance type cardio à forte intensité, avec à la manœuvre As A New Revolt. Les Grenoblois viennent de sortir leur nouvel ep « TXRX », et c’est là l’occasion de les voir avec un nouveau set augmenté de nouveaux titres.
Manu au chant est toujours aussi incandescent et ne se ménage pas, courant d’un point à l’autre de la scène, montant sur la batterie, les retours, ne s’arrêtant que pour s’occuper des machines placées en fond de scène. Il délivre une très grosse performance physique tout en balançant un chant agressif sur le fond et la forme dans une parfaite adéquation. Son attitude est moins distante qu’à l’habitude. La communication avec le public reste éparse mais ne laisse pas de doutes quant au plaisir qu’a le groupe à être sur scène pour présenter ses nouveaux morceaux.
Derrière sa batterie, Julien tient la maison en donnant cette petite touche dynamique à la musique très carrée, sortant des énormes enceintes disposées tout autour sur la scène et qui lamine tout le 1° rang à grands coups de basses et d’assauts percussifs.
Le style de batterie plutôt frontal est efficace, sans mettre de côté quelques nuances qui apparaissent plus nettement en live. Le traitement du son est vraiment qualitatif, avec un rendu bien plus chaleureux et organique que ne le laisse à penser l’utilisation quasi exclusive de sons venant d’un ordinateur. Les basses sont biens fats pour assurer une assise confortable et massive tandis que les arrangements de claviers ou de percussions donnent toute leur saveur à une musique qui sans ces ajouts pourrait sembler trop uniforme.
On sent que les deux musiciens sont pleinement impliqués dans le projet et y amènent chacun leur personnalité.
Après ¾ d’heure à ce rythme avec comme point d’orgue « Speechless », « Retina » et un nouveau titre qui laisse présager une suite rapide à « TXRX », le duo sort de scène dans le même état que son public : les muscles lessivés et le corps gavé d’adrénaline.
Le cours de Zumba, c’est par ici ?
La deuxième séance menée par les Scandinaves de Viagra Boys semble plutôt lorgner du côté de la gym suédoise néo punk. A voir cette bande de moustachus, gringalets et autres fumeurs de gitanes maïs débarquer sur scène en joggings et marcels, il est possible même que l’on assiste à une vraie révolution esthétique dans le monde de la remise en forme.
On s’inquiète un peu tout de même quand le test du micro principal constitue en des éructations de chien malade de la part du guitariste et du préposé aux pipeaux à hanche, les musiciens réglants leurs instruments dans un maelstrom de sons entre deux invectives dans une langue aux sons gutturaux et hachés, on s’attend à un set tout en finesse.
Avec en meneur de bande, Sebastian Murphy, bedaine à bière en avant, une canette dans une main et un mégot dans l’autre, les bras parcourus de tatouages aux tracés épais et vulgaires, on commence même à se rapprocher de la sortie en prévision du naufrage. Et c’est là où l’on se rend compte que la scène est un lieu magique, et que ce qui fait l’alchimie d’un groupe tient à peu de choses et qu’en même temps c’est là que réside l’essentiel.
Le plombier scandinave qui nous semblait jusque là peu à propos derrière son micro dégage en fait une aura de poète maudit torturé et cabossé par la vie. Son torse tout aussi tatoué que ses bras semble témoigner d’une vie intense que son attitude sur scène vient corroborer. Sa voix puissante nous remonte par l’échine sans que l’on puisse résister. Il nous dit qu’il a toujours été un « Slow Learner », qu’il aime tous les « Sports » et qu’ils en ont fait une chanson… Le public s’en fout et adhère à tout !
Les musiciens derrière, comme dans toute bonne équipe disciplinée, restent à leur place chacun jouant pour l’équipe. La section rythmique se tue à jouer toujours les mêmes notes, le même rythme pour faire rentrer le public en transe tandis que clarinette, saxophone, congas et autres claviers cheaps donnent un tour de grande kermesse sonore un peu foutraque à l’ensemble.
Le nihilisme affiché par l’homme au micro lui fait boire tout ce qu’on lui propose, laisser son micro à qui veut le prendre, descendre dans la fosse pour se coltiner aux mouvements de foule ou nous conter ses déboires d’artiste perturbé sans que l’on n’y comprenne grand chose. Rien n’a de conséquences, seul compte le moment présent, l’énergie qui envahit le groupe, le public qui ne cesse de bouger durant tout le set dans une réponse presque réflexe. C’est sec comme une rasade d’aquavit, violent et ridicule comme une bagarre de rue à 3h du matin et ça n’ira certainement pas aux JO mais les Viagra Boys ont marqué les esprits ce soir.
Il paraît que le sport, c’est bon pour la santé, et qu’il faut juste trouver l’activité suffisamment motivante pour ne pas laisser tomber au bout de deux séances. Si toutes les salles de sport adoptaient le programme de la Bobine ce vendredi soir, nul doute que certains deviendraient des athlètes accomplis. Il y a eu du mouvement, de la sueur, une énergie communicative et surtout deux groupes aux identités affichées et revendiquées proposant chacun une vision finalement assez similaire de ce que doit être un concert : un grand moment partagé mêlant l’énergie brute, l’engagement sans calcul, la fragilité d’un moment, d’un geste qui ne va pas tarder à déjà disparaître dans un relent de sueur et d’alcool.