« Tu pourrais t’habiller de manière plus sexy pour attirer les regards sur scène ! » C’est une des remarques désagréables que l’on imagine bien faite à Laura-Mahé. Accompagnée par des hommes sur scène, la chanteuse du groupe The W band estime que c’est une chance de pouvoir être une pionnière du rock indépendant « au pays de la tartiflette ». A l’occasion de la journée de la femme, elle pose un bilan de la condition féminine, « en infériorité numérique » sous les feux des projecteurs.
De ton point de vue quelle est la place des femmes au sein de la scène musicale Grenobloise ?
Les femmes sont insuffisamment représentées en nombre mais bien présentes par l’énergie déployée ! Je pense par exemple à Marianne, chanteuse de Faith In Agony, Lucie de NoFunk ou encore Like Tostaky, un groupe presque exclusivement composé de femmes !
Ce sont des artistes témoignant de la capacité des femmes à montrer des dimensions alternatives. À l’époque où l’on attend souvent des femmes qu’elles soient bien tempérées, sages et prévisibles, cela annonce que la femme de demain est indomptable et inattendue.
A ton avis, quelle en est la cause ?
Ce n’est pas une spécificité Dauphinoise ! « This is a man’s World » chantait déjà James Brown dans les années 70. Néanmoins, il ne sert à rien de se lamenter. Quand on n’a pas le pouvoir : il faut le prendre.
La « phallocratie » a force de loi parce que trop peu de femmes s’engagent dans les disciplines les plus motrices de leur temps : les sciences, les technologies, l’entreprise, la philosophie, les arts et en particulier la musique.
Comment pourrait-on l’améliorer ?
Nous pourrions favoriser l’expression artistique des femmes en encourageant chacune à affiner et développer sa propre personnalité scénique. En donnant confiance à chaque artiste pour qu’elle développe une réelle identité musicale originale, nous verrions émerger des chemins nouveaux.
Pour être très concrète, je pense non seulement à du coaching aidé par les collectivités locales ou des mécènes mais encore à des résidences d’artistes dédiées à l’émergence de nouveaux talents féminins. Le festival « Les femmes s’en mêlent« est précurseur en la matière.
Est-ce dur de s’imposer en tant que femme dans le milieu musical ?
Il est vrai que de façon générale, les femmes sont souvent en infériorité numérique dans le milieu musical. C’est à la fois un challenge et une chance de faire partie des pionnières du Rock indé au pays de la tartiflette.
Les membres de mon groupe sont des hommes, mais il n’y a pas de chef. Chacun apporte sa sensibilité et il faut le souligner avec force : valorisons la sensibilité des hommes plutôt que les combats de coqs et le monde sera moins macho !
T’as-t-on déjà fait des remarques sexistes relatives au milieu de la musique ?
Oui, par exemple, on m’a déjà conseillé d’être habillée plus sexy sur scène pour accrocher les regards. L’important est de trouver la juste mesure pour établir un rapport honnête avec son public surtout en tant que femme.
Il est plus facile pour une femme de percer en jouant la carte « sexy », mais je préfère une complicité avec le public basée sur une énergie brûlante plutôt que sur une garde-robe torride.
Parlez-vous de la cause féminine dans les chansons de The W Band ?
Oui, par exemple notre morceau Sweet Bitch concerne justement les rapports homme/femme : leurs difficultés à communiquer mais aussi leur inter-dépendance.
Ce n’est qu’un début, j’aimerais faire passer un message affirmant que la cause des femmes n’est pas si différente de celle de tous les opprimés.
Es-tu impliquée d’une quelconque manière pour la cause féminine ?
C’est une cause qui me tient à cœur, je relaie régulièrement les contenus éclairants sur le sujet, telle que la vidéo de Janusz Korwin-Mikke qui tenait des propos misogynes au parlement européen la semaine dernière et qui résume en quelques secondes l’énormité des injustices faites aux femmes dans l’Histoire. Il y a encore tellement de progrès à faire !
Que signifie « égalité entre les hommes et les femmes » pour toi ?
C’est avant tout l’égalité des opportunités dans l’éducation et la formation : il devrait y avoir autant de femmes scientifiques, artistes, décideurs… que d’hommes. Mais ce n’est pas le cas. Parce qu’à la base, les filles sont rarement incitées à choisir leur voie indépendamment des vieux schémas.
C’est toujours choquant de voir les rôles s’inverser : par exemple j’ai beaucoup apprécié l’image détournée du collectif féministe 52 suite à la signature de Trump pour un décret s’attaquant à l’IVG… C’est une excellente réponse médiatique.
Pour la journée de la lutte pour le droit des femmes, qu’aimerais-tu dire aux Grenoblois et aux Grenobloises ?
Respectons et encourageons les femmes pour qu’elles aient la possibilité d’accomplir de grands projets !