En ce jeudi 8 Juin, l’Ampérage avait des faux airs de l’Entrepôt en accueillant à l’occasion d’un concert hommage à Nico, bassiste des Minimum Serious décédé récemment, la fine fleur de la scène rock underground grenobloise mais estampillée année 90. Petit retour vers le futur à une époque où le mot Fanzine avait un sens tandis que le terme webzine restait lui à inventer et où les maquettes des affiches de concert sentaient alors bon le montage ciseau / colle / photocopiées à la main…
Cela faisait quelques semaines que les réseaux sociaux s’agitaient autour de Feverish et Elevate par le biais de comptes apparaissant soudainement sur Facebook ou Instagram. Chose d’autant plus ironique que les groupes suscités n’existaient déjà plus lorsque ces réseaux ont explosés pour devenir la vitrine numérique de la culture dans l’ère 2.0. Jouant habilement de ce décalage, les pages des musiciens affichaient depuis quelques temps vieilles photos, affiches de concert et autres vidéos de répétition sur des titres plus entendus depuis de nombreuses années.
C’est donc avec une certaine émotion que l’Ampérage se remplit pour un événement unique dans tous les sens du terme. Le concert sera un One Shot qui n’augure en rien de la reformation des groupes participants. La raison de la réunion de tous ces groupes va laisser largement sa place à une émotion tangible toute la soirée et qui va progressivement irradier le public, les musiciens et les proches de Nico faisant de l’événement le meilleur hommage que l’on puisse rendre à un musicien disparu.
Feverish : la renaissance du cygne
C’est donc Feverish qui ouvre les hostilités pour une performance de haute volée qui restera du point de vue purement musical la plus grosse tarte de la soirée ! Alors que l’on pouvait craindre que son rock très personnel et teinté d’éléments typiquement néo métal années 90 vieillisse mal, c’est en fait une musique encore tout à fait actuelle que nous proposent les quatre gars qui ne s’étaient plus réunis depuis le split du groupe.
Il est vrai également que les musiciens chacun de leur côté ne s’étaient jamais vraiment éloignés de leurs instruments, et si tout n’est pas parfait, l’intensité du set proposé justifie toutes les approximations. Denis, derrière ses fûts, a fait dans le bûcheronnage méthodique, secondé par un Jean Mich dont le son est à la hauteur de son physique : monumental ! Lamson apporte toute sa finesse à des parties de guitare dissonantes et aériennes où le bon goût et l’originalité du jeu s’affranchissent des codes du genre.
Si la voix de Laurent montre assez vite des signes de fatigue, sa présence reste toujours aussi habitée et le public réagit au quart de tour dans une atmosphère de liesse. Certains attendant ce moment depuis déjà trop longtemps… La set list fait la part belle à l’album « La mort du cygne » que le groupe propose sur son stand gratuitement mais sans oublier quelques titres plus anciens estampillés période « on the ring rec ».
Elevate, comme si rien n’avait changé
Après cette entrée en matière typée gros calibre, c’est Elevate qui poursuit cette remontée dans le temps pour un set cette fois-ci uniquement composé de titres des 1° efforts du combo. Pas d’orgues, pas de mid tempos tranquilles, pas de plages de répit, juste du hardcore, de l’émo-core typée middle-west et l’ombre d’At the Drive in qui planent au dessus des compositions des Grenoblois.
Les visages ont un peu vieilli, les cheveux grisonnent mais c’est un plaisir de retrouver les attitudes et les compos de ce groupe qui avaient su habilement à l’époque allier une fibre artistique indéniable au service d’une musique puissante et écorchée. Si la puissance notamment de la section rythmique est moins dévastatrice, les compos sont elles toujours aussi efficaces et Christophe n’a rien perdu de son expressivité dans la voix.
Pour le coup, on est vraiment transportés dans un style musical codifié et très reconnaissable, ce qui ravira les nostalgiques (dont je suis) et laissera peut-être un peu moins enthousiaste ceux qui étaient restés sur le bord du quai déjà à l’époque.
So long and thanks for all the shows
Comme de juste c’est avec Minimum Serious que la soirée se conclue pour le set certainement le plus émouvant… et pour cause. C’est à la période « textes en français » que le groupe va plutôt rendre hommage ce soir, ce qui finalement n’a pas tant d’importance – la musique étant secondaire pour une fois.
On sent une grande émotion dans toute la salle au moment de la reprise en solo par Cédric d’un titre de Frank Turner en hommage à Nico, mais aussi une grande joie de vivre dans la célébration de leur ami disparu à travers leur musique et la communion avec un public venu pour se défouler et mettre de côté, ironiquement ce soir, les affres de la vie.
C’est aussi la particularité de ce genre musical maintenant presque anachronique. Une pop sucrée mais énergique pour ceux qui, touchés par le syndrome de Peter Pan, refusent de ne faire face qu’aux contingences de la vie d’adulte et tentent de garder au mieux leur part d’insouciance et d’idéalisme.
Le titre « Goodbye California » un des plus percutants du répertoire du groupe résumant bien cet état d’esprit clôture le concert dans cette ambiance douce amer, tandis que le rappel voix avec à propos repris en chœur par tout le public monté sur scène le « Bro Hymn », qui sert habituellement de point final à tous les concerts de Pennywise en hommage également au bassiste du groupe alors disparu.
C’est avec un sentiment très particulier que laisse cette soirée. Un peu comme ces enterrements de la Nouvelle Orléans où l’on célèbre une dernière fois un défunt en faisant une grande fête en musique avec tous ceux qui veulent bien se joindre. Il y a eu bien sûr de l’émotion et beaucoup de pensées pour Nico, mais également une célébration de ce qu’il était à travers la musique dont il avait fait sa vie. L’énergie et la joie de se retrouver pour un concert avec des personnes qui s’étaient parfois perdues de vue ou plus réunies depuis longtemps et qui ici trouvaient une occasion de se rappeler ce qu’ils étaient il y a quelques années, et ce qui réunissait cette petite communauté musicale dans laquelle Nico avait joué un rôle si important…