En été, si l’on veut avoir sa dose de musique, c’est vers les festivals qu’il faut se tourner… Oubliée la salle sombre du petit club local : bonjour le plein air et les chapiteaux ! Du gros événement, au petit local, il y en a pour tous les goûts. Direction le Vercors pour l’ouverture de la saison avec le (bien nommé) Vercors Music Festival qui, pour sa 5° édition, fait la part belle à une programmation éclectique… que ce soit pour les affiches nationales, ou pour les formations locales.
Après une première soirée du jeudi à laquelle je n’ai pu assister, mais qui a mis en avant Saz, Gauvain Sers, Agathe da Rama mais surtout le Chartrousin Mr Mat rescapé des Mountain Men de chez-nous, je cours me rattraper … Direction le vendredi, avec une soirée pleine de promesses qui me plonge au cœur du festival.
Entre Maghreb, Europe de l’Est et États-Unis : un vendredi soir sous le signe du métissage
On commence tout doucement avec le premier concert de la soirée sous la plus petite scène, celle de la Terrasse. Olivier Gotti propose en solo des titres dont il ne faut pas aller chercher bien loin l’inspiration. Du Weissenborn (sorte de guitare au corps entièrement creux et qui se joue à plat avec un tube en métal posé sur les cordes), une musique au style largement inspiré par le blues et la folk jusqu’à la voix.
On sent que l’artiste n’est pas resté insensible à la musique de Ben Harper… C’est plutôt très bien fait, même si l’apport de machines et de bandes préenregistrées sur certains titres laisse dubitatif, et cadre mal avec le reste. Une entrée en matière sympathique et prometteuse dont on suivra l’évolution.
Djazia Satour n’est pas une inconnue pour les Grenoblois. Elle fait partie des artistes locaux dont on se demande depuis déjà un certain temps pourquoi leur carrière ne décolle pas davantage. Son dernier album « Aswät » semble petit à petit lui permettre de faire connaître son mélange de folk et de musique orientale en dehors de la sphère locale, et ce n’est que justice.
Elle était déjà venu dans ce même festival il y a deux ans, sur la scène gratuite de la Terrasse. Concert interrompu par un avis de tempête qui avait obligé tout le monde à se rapatrier dans le gymnase… La chanteuse et son groupe en avait profité pour faire quelques titres impromptus en acoustique complet pour un moment à la simplicité et au charme plus qu’appréciable.
De retour sur la grande scène, ces qualités ne laissent à nouveau pas le public indifférent. Proposant principalement des titres de « Aswät » chantés en arabe, on se rend compte de la parfaite symbiose qu’a réussi à concocter l’artiste avec ses musiciens entre la musique occidentale et les influences orientales.
Les percussions et l’utilisation d’instruments traditionnels complètent à merveille le piano et la guitare. La voix de Djazia est magnifique, et sa présence solaire sur scène ne peuvent laisser indifférents. Le public répond avec enthousiasme à une prestation qui se clôture sur un titre a cappella du meilleur goût. Rien que pour ce concert, la soirée méritait d’être vécue !
Retour sur la scène de la Terrasse avec les Bretons de The Blue Butter Pot, pour un concert plutôt rock blues, et un duo guitare batterie bien énergique. On sent un groupe qui a déjà une bonne expérience de la scène et dont la musique ne peine pas à trouver son public. Après la douceur et la finesse de Djazia Satour, ce petit intermède plus brut de décoffrage insuffle un bel élan d’énergie à la soirée avant le plat de résistance qui arrive sur la grande scène…
Ibrahim Maalouf et le Haïdouti Orkestar, c’est un peu l’assurance de finir la soirée dans une ambiance pleine d’énergie… mais aussi mettre en avant un goût du métissage qui était un peu le fil directeur de la soirée. Le trompettiste star est ici en position de chef d’orchestre pour une fanfare aux accents orientaux, mais aussi d’Europe de l’est. Le public répond avec énergie et ce n’est qu’avec quelques titres plus intimistes en fin de set (une guitare et une trompette) que la ferveur baisse un peu laissant le public quitter les lieux…
Samedi soir : du local, un peu plus de local
Pour ce samedi, on retrouve de la scène locale en ouverture, et en fermeture de soirée. Pour le coup, c’est Julie Bally qui entame les hostilités en fin d’après-midi sur la scène de la Terrasse, devant un public déjà bien présent, mais plutôt familial. Le set proposé par l’artiste grenobloise accompagnée de Pierre Gheno à la basse est toujours aussi incarné et abrasif, et la tenue de scène de la chanteuse se veut au diapason de ses intentions.
Son penchant pour les années 80 et la cold wave s’affirment toujours plus sur les nouvelles compositions, et sur le son très froid proposé. Le chant, de plus en plus linéaire et scandé, quitte petit à petit les rivages d’un rock plus mainstream pour aller vers quelques chose de plus dérangeant. La voix est plus écorchée, et flirte souvent avec le cri dans une volonté de transmettre le maximum d’énergie et d’intensité.
La scène paraît pour autant un peu grande pour les deux musiciens qui peinent à trouver leur place. Le public, venu pour une programmation plus accessible, semble pris au dépourvu et c’est presque même avec un certain malaise que l’on voit Julie Bally accrochée aux barrières devant la scène éructant ses paroles devant un public d’enfants et de familles. Problème de programmation, manque de discernement de l’artiste… On attendra une prochaine prestation et l’écoute du nouvel album pour s’enlever cette impression mitigée après ce concert !
Et ce n’est pas la performance de Bertrand Belin qui va nous enlever cette impression de malaise. L’artiste, qui connait une notoriété importante, se présente en dandy décadent dont les pas hésitants sur le plateau surprennent dans un premier temps. La voix est profonde, le groupe derrière assure, mais l’on ne peut s’empêcher de penser à Alain Bashung en écoutant l’ensemble.
Il n’est pas facile de se mettre dans les pas d’un artiste dont les qualités d’écriture et d’interprétation étaient tellement personnelles. L’intérêt des festivals, c’est aussi de pouvoir approcher des groupes ou artistes que l’on ne connait pas, ou que l’on n’aurait pas vu en dehors de cette occasion. Pour Bertrand Belin, ce sera une première fois décevante pour ma part.
Vite : on file sur la scène de la Terrasse pour le set en solo de Sanseverino en hommage à Béranger. Si je connais bien le répertoire personnel du guitariste-chanteur, ces reprises sont pour moi une découverte. Le bagou de titi parisien et le personnage de Sanseverino sont à eux seuls la garantie de passer un bon moment. Les titres présentés fleurent bon l’anti-conformisme et les années 70, et c’est une véritable rencontre qui a lieu entre un public de connaisseurs d’un certain âge et une autre partie du public plus innocente mais qui découvre un ton et des titres immédiatement appréciables. Le set passe en un rien de temps, et c’est avec le sourire de quelqu’un qui sans l’avoir prévu, a passé un excellent moment, que je me rends vers la scène principale du foyer pour Grand Corps Malade.
Je n’ai jamais été un grand fan de sa musique : c’est donc à distance que je profite de son concert. Les titres plus anciens, et empruntant vraiment à la technique du slam marchent toujours, profitant de la voix et de la diction de l’artiste. Les titres plus récents, plus personnels et presque chantés semblent eux particulièrement naïfs dans leurs paroles. C’est sans regret que je me dirige rapidement à nouveau vers la petite scène pour Delgres.
Le trio que l’on a déjà pu apprécier l’année dernière au festival Jour et Nuit de la Belle Électrique mélange avec brio delta-blues, fanfare louisianaise (la basse est assurée par un tuba complètement distordu) et chant créole. Ils vont littéralement mettre à feu et à sang la scène ainsi que les tympans des spectateurs avec un set gras et carré qui tranche avec le reste de la programmation de ce samedi. Leurs titres ont une immédiateté qui emporte le public tout en proposant une approche musicale originale et de qualité…
Alors que la soirée approche maintenant de sa fin, c’est avec un groupe mythique que l’on clôture ce samedi, les grenoblois Gnawa Diffusion, qui depuis 20 ans propagent un mélange de musique traditionnelle gnawa et autres traditions maghrébines parsemé d’une touche de reggae dub. C’est toujours avec un grand plaisir que l’on voit Amazigh Kateb à la tête de la formation arpenter une scène avec sous les bras son guembri…
Sans surprise, les titres alternent entre morceaux courts, efficaces et plages de musique répétitive amenant à une forme de transe au son de percussions typiques du maghreb, comme le krakeb. Le public joue le jeu, les musiciens sont heureux de performer si près de chez eux et devant leurs amis. L’ambiance n’est pas aussi folle qu’au Maghreb où le groupe est bien plus connu qu’en France, mais à 1h du matin, lorsque le concert touche à sa fin, le public en redemande et ne partira que sous la contrainte des lumières rallumées du chapiteau…
Un dimanche fait de valeur sûres
Dernier jour du Vercors Music Festival : pas de groupes locaux, mais pour autant les deux têtes d’affiche sur la grande scène du foyer ont attiré un public nombreux notamment pour venir voir les Ogres de Barback. Retour sur les derniers concerts de l’édition…
C’est pourtant avec des vétérans de la scène rock-ska que la soirée commence. La Ruda est de retour après une pause de plusieurs années et retrouve un public qui semble ne pas l’avoir oublié, à voir l’ambiance dans la fosse. Ce sera certainement le set le plus énergique et le plus rock du festival, et ça fait tout de même plaisir ! Les sourires sur les visage des artistes et les rappels nombreux demandés par la foule ne laissent pas de doutes sur le succès de ce retour…
Lorsque Les Ogres de Barback investissent également le plateau, c’est avec une mise en scène un peu plus élaborée que les autres groupes du festival. Celle-ci ne fera d’ailleurs que changer durant tout le temps du concert pour faire de la place aux divers instruments, mais aussi musiciens invités. Une fanfare béninoise aux accents presque New Orleans, une cornette celtique, des instruments à corde, des pianos, des guitares, un accordéon…
Les arrangements font la part belle à cette diversité et au mélange, pour le meilleur, et parfois pour des choses un peu improbables… Le public est de toutes façon conquis et connait souvent les paroles par cœur. A nouveau, c’est sans rappel mais dans un joyeux maelstrom de musique que le plateau se vide, avant de libérer également le public pour la fin de l’édition 2019 du festival.
C’est avec une programmation hétérogène alternant les grosses pointures (parfois décevantes) et les projets plus modestes mais de qualité que le Vercors Music Festival créé chaque année un peu plus son identité. On apprécie le cadre à taille humaine, la facilité pour aller d’une scène à une autre. On félicitera surtout la programmation de laisser la place à des artistes locaux pour mettre en avant la richesse des groupes déjà parvenu tout comme celle des groupes en devenir. On se retrouve pour l’édition 2020 avec toujours plus d’artistes locaux on l’espère !